Devenir médecin en Suisse : installation et création d’un cabinet médical

Devenir médecin indépendant implique de devenir à la fois praticien et chef d’entreprise. Or les médecins, s’ils sont très bien formés à soigner, sont souvent moins préparés aux rôles de gérant d’entreprise et d’entrepreneur.

Une enquête de la Revue médicale suisse a montré que beaucoup de jeunes médecins regrettent leur manque de formation en gestion administrative, financière et médico-légale lors de leur installation.

Dans ces lignes, les experts-comptables de la Fiduciaire Karpeo vous fournissent les clés pour créer et gérer efficacement un cabinet médical, en abordant les aspects juridiques, fiscaux et comptables spécifiques à la Suisse.

Quelle forme juridique choisir ?

Le premier choix majeur est le statut juridique de votre cabinet. Deux options principales se présentent : exercer en indépendant (raison individuelle) ou constituer une société (généralement une Sàrl ou une SA).

Sàrl ou Raison individuelle ?

La raison individuelle, choix de la simplicité, demeure majoritaire chez les médecins installés seuls. Elle est facile à lancer (pas de capital à apporter, faible paperasse) mais le médecin assume alors tous les risques sur son patrimoine personnel en cas de dette ou de créance.

La création d’une Sàrl ou d’une SA, plus complexe, apporte une protection juridique appréciable : la responsabilité du médecin est limitée au capital investi. En contrepartie, ces structures imposent un capital minimum (20’000.- CHF pour une Sàrl, 100’000.- CHF pour une SA), des frais de constitution (notaire, registre du commerce) et une gestion comptable plus rigoureuse.

Sur le plan fiscal et social, l’intérêt de la Sàrl se manifeste dès que le cabinet génère un revenu confortable. En effet, en société, vous pouvez vous verser un salaire raisonnable et laisser le surplus en bénéfice dans la société, ce qui réduit les cotisations sociales AVS et permet d’imposer une partie des revenus au taux de l’impôt sur les sociétés, souvent plus bas que le taux marginal de l’impôt sur le revenu.

Par exemple, l’impôt sur les bénéfices à Genève tourne autour de 14.5%, alors qu’un revenu personnel annuel au-delà de 200’000.- CHF est imposé jusqu’à 40%. La société peut donc être un outil d’optimisation fiscale légitime dès que les revenus du cabinet excèdent largement les besoins du médecin.

De plus, le versement de dividendes par la société (sur les bénéfices après impôt) permet de sortir des fonds avec une imposition allégée (seulement 60%-70% du dividende est imposable pour un actionnaire-dirigeant, et les dividendes ne sont pas soumis à l’AVS).

Il faut toutefois veiller à garder un salaire raisonnable : si l’on distribue quasiment tout sous forme de dividendes, les caisses AVS pourraient requalifier ces montants en salaire pour percevoir les charges sociales correspondantes.

En résumé, la raison individuelle convient pour débuter ou pour un cabinet à faible chiffre d’affaires, tandis que la société (Sàrl/SA) devient avantageuse dès que les revenus sont élevés, que vous souhaitez vous associer à plusieurs, ou que vous voulez séparer votre patrimoine privé des risques professionnels.

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Démarches et autorisations pour ouvrir un cabinet médical

Avant de pouvoir accueillir vos premiers patients, plusieurs formalités administratives et légales doivent être accomplies.

Conditions pour exercer comme médecin indépendant

Pour exercer en cabinet privé, il faut bien sûr avoir obtenu son diplôme fédéral de médecine (ou un titre équivalent reconnu par l’OFSP) et le droit de pratique. En Suisse, les médecins doivent s’inscrire au registre des professions médicales (MedReg) et obtenir une autorisation de pratique cantonale pour ouvrir un cabinet dans le canton choisi.

Ces démarches administratives (y compris la fourniture d’un casier judiciaire vierge et la souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle) doivent être accomplies avant de commencer l’activité libérale.

Création d’entreprise et inscription au Registre du commerce

Du côté de la création d’entreprise à proprement parler, si vous optez pour une Sàrl ou SA, vous devrez rédiger les statuts et immatriculer la société au Registre du commerce. Cette inscription confère une existence légale à votre cabinet et sera notamment requise pour l’obtention de l’autorisation d’exploiter le cabinet médical auprès des autorités cantonales.

Prévoyez quelques semaines pour finaliser ces formalités (notariat, inscription RC, etc.). Si vous exercez en raison individuelle, l’inscription au Registre du commerce est facultative, mais reste recommandée pour officialiser votre activité et renforcer la confiance de vos partenaires.

Affiliations sociales et obligations en tant qu’employeur

N’oubliez pas de vous annoncer également auprès de la caisse AVS de votre région, soit comme indépendant, soit (si vous avez créé une société) comme salarié de votre propre structure.

En tant qu’indépendant, vous paierez des cotisations AVS/AI/APG calculées sur votre revenu net ; en société, vous paierez les charges sociales sur votre salaire et cotiserez également en tant qu’employeur. Si vous engagez du personnel (assistante médicale, secrétaire, etc.), vous devrez en outre les affilier à une caisse de pension (LPP) et souscrire une assurance accidents obligatoire.

Comptabilité et fiscalité d’un cabinet médical : obligations et TVA en Suisse

La tenue d’une comptabilité rigoureuse est un volet essentiel de la gestion d’un cabinet médical. En Suisse, les indépendants dont le chiffre d’affaires dépasse 500’000.- CHF/an doivent tenir une comptabilité selon les normes du Code des obligations (comptabilité en partie double, bilan et compte de résultat annuels).

En dessous de ce seuil, une comptabilité simplifiée (tenue d’un journal des recettes et dépenses) peut suffire, mais il reste prudent de bien documenter toutes les opérations pour piloter votre activité.

Si vous exercez en tant que Sàrl, une comptabilité respectant les prescription du Code des obligations, incluant un bilan, un compte de résultat et une annexe sera nécessaire.

Il est souvent déconseillé de gérer seul la comptabilité de son cabinet médical dès que celui-ci atteint une certaine taille ou complexité. Au-delà d’un certain volume, faire appel à un expert-comptable ou à une fiduciaire spécialisée comme Karpeo est recommandé. Vous gagnerez du temps et assurerez le respect des nombreuses règles fiscales et administratives en vigueur. Cela vous permettra également de dégager du temps pour vos patients et de recevoir des conseils avisés pour optimiser vos coûts (choix d’amortissements, déductions fiscales maximales, etc.).

Sur le plan de la trésorerie, veillez à suivre de près vos indicateurs financiers : évolution du chiffre d’affaires, niveaux de charges, point mort (break-even), etc. Une bonne gestion financière implique d’anticiper les périodes creuses (ex. baisse d’activité en début d’exercice) et de lisser les dépenses importantes (achats d’équipement, travaux) via une planification budgétaire.

TVA et prestations médicales : ce qu’il faut savoir

En ce qui concerne la TVA, la plupart des actes médicaux sont exonérés de cette taxe en Suisse. Par conséquent, un médecin qui exerce exclusivement des soins remboursés par l’assurance-maladie ne facture pas de TVA.

Toutefois, certaines prestations hors du champ médical strict (par ex. conseil en santé auprès d’entreprises, actes de médecine esthétique non couverts) sont, elles, soumises à la TVA. Si vous facturez plus de 100’000.- CHF par an de telles prestations taxables, vous devez vous inscrire à la TVA et appliquer un taux de 8.1%.

À l’inverse, veillez à éviter de rendre taxable par mégarde ce qui pourrait rester exonéré : par exemple, si plusieurs médecins partagent une société pour leurs frais communs, les refacturations de l’un à l’autre peuvent entraîner de la TVA.

Il existe des solutions pour contourner ce problème en centre médical (comme le fait que la société facture directement les patients au nom des médecins plutôt que de leur refacturer les coûts), mais l’accompagnement d’un spécialiste est conseillé pour structurer au mieux un cabinet de groupe sur le plan fiscal.

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Outils de gestion pour médecins : organiser efficacement son cabinet médical

Disposer des bons outils est crucial pour gérer efficacement un cabinet médical. Un logiciel de gestion de cabinet intégrant la gestion des agendas, des dossiers patients et de la facturation vous fera gagner un temps précieux et réduira le risque d’erreurs de facturation.

Des solutions spécialisées existent, par exemple les logiciels proposés par la Caisse des Médecins ou d’autres fournisseurs suisses, qui sont adaptés aux besoins de la pratique (facturation via le code QR, gestion des paiements tiers-payant/tiers-garant, etc.).

La digitalisation offre également des gains d’efficacité : un service de rendez-vous en ligne comme OneDoc permet de réduire la charge administrative (moins d’appels téléphoniques, rappels automatiques de rendez-vous) et d’attirer de nouveaux patients grâce à une meilleure visibilité sur Internet.

De même, prévoir une stratégie de présence en ligne (site web, profil Google, annuaires médicaux) est utile pour faire connaître votre cabinet. Par exemple, inscrire votre cabinet sur un annuaire spécialisé dans la médecine esthétique peut accroître votre visibilité auprès de la patientèle concernée.

Côté organisation interne, ne négligez pas les aspects administratifs courants : gestion du personnel (salaires, plannings), maintenance des équipements, suivi des stocks de matériel médical, etc. Mettez en place des procédures claires dès le départ.

Par exemple, définissez un protocole pour la stérilisation et la traçabilité du matériel, un système d’archivage sécurisé pour les dossiers médicaux, et assurez-vous de respecter la nouvelle loi fédérale sur la protection des données (nLPD) pour tout ce qui concerne les informations patient.

Enfin, pensez à externaliser les tâches qui ne relèvent pas de votre cœur de métier lorsque cela s’avère rentable. Par exemple, vous pouvez confier votre facturation à un service spécialisé, votre comptabilité à une fiduciaire, ou la stérilisation du matériel à un service centralisé si cela existe. Ces solutions ont un coût, mais peuvent être compensées par le temps gagné et la sécurité de savoir que ces aspects sont gérés dans les règles de l’art.

Conclusion

La création et la gestion d’un cabinet médical en Suisse est un projet ambitieux qui requiert autant de soin dans la gestion que dans la pratique médicale elle-même.

En choisissant le bon statut juridique, en tenant une comptabilité rigoureuse et en respectant vos obligations fiscales et sociales, vous éviterez bien des déboires et optimiserez la performance de votre activité.

Il est vivement recommandé de vous faire accompagner par des professionnels compétents (avocats, fiduciaires, conseillers spécialisés) pour les étapes clés : création de société, tenue comptable, fiscalité, gestion du personnel…

Vous pourrez ainsi vous concentrer sur votre vocation de médecin en ayant l’assurance que l’aspect financier et administratif de votre cabinet est entre de bonnes mains. Avec une bonne organisation et les bons conseils, votre cabinet médical prospérera et vous offrira la satisfaction d’exercer votre art en toute sérénité.

FAQ – S’installer comme médecin en Suisse

Quelle forme juridique choisir pour ouvrir un cabinet médical en Suisse ?

Un médecin peut exercer en raison individuelle (simple à créer mais avec responsabilité illimitée) ou en société (Sàrl ou SA), qui protège le patrimoine privé et devient avantageuse dès que les revenus sont élevés.

Quelles sont les démarches pour obtenir une autorisation d’exercer ?

Il faut détenir un diplôme fédéral de médecine ou un titre reconnu par l’OFSP, s’inscrire au registre MedReg et obtenir une autorisation cantonale de pratique avant d’ouvrir son cabinet.

Quelles sont les obligations comptables d’un cabinet médical ?

Les médecins en société ou avec plus de 500’000.- CHF de chiffre d’affaires doivent tenir une comptabilité complète (bilan et compte de résultat). En dessous, une comptabilité simplifiée reste possible en tant que Raison individuelle mais doit être bien structurée.

Un médecin doit-il facturer la TVA en Suisse ?

Les actes médicaux remboursés par l’assurance sont exonérés de TVA. En revanche, les prestations esthétiques ou de conseil sont soumises à la TVA dès 100’000.- CHF de chiffre d’affaires taxable par an.

Quels outils sont recommandés pour gérer un cabinet médical ?

Des logiciels spécialisés comme ceux de la Caisse des Médecins facilitent la facturation et la gestion des dossiers. Des solutions comme OneDoc optimisent la prise de rendez-vous et la visibilité en ligne.

Romain Prieur

Romain est le fondateur de la Fiduciaire Karpeo à Genève. Il est expert-comptable diplômé et participe activement à la formation des futurs experts-comptables via sont rôle de chargé de cours auprès de EXPERTsuisse. Romain est également le co-fondateur de la plateforme entreprendre.ch qui permet la création d'entreprises en Suisse.