Contrôle AVS en Suisse : ce que les entrepreneurs doivent savoir

En Suisse, la loi impose aux caisses de compensation d’effectuer un contrôle AVS périodique chez les employeurs affiliés afin de vérifier qu’ils respectent les dispositions légales en vigueur en matière d’assurances sociales du 1er pilier. Ce contrôle des employeurs porte principalement sur les déclarations de salaires et le paiement correct des cotisations AVS/AI/APG/AC (assurance vieillesse, invalidité, perte de gain et chômage). Pour un entrepreneur, l’annonce d’un tel audit peut être une source de stress et d’incertitude. Pourtant, en comprenant bien comment il se déroule et comment s’y préparer, vous pourrez aborder le processus avec confiance et éviter les mauvaises surprises.

Dans cet article de Karpeo, nous expliquons en termes clairs qui est concerné par le contrôle AVS, à quelle fréquence ont lieu ces contrôles, quels sont les points examinés par les réviseurs, et comment vous organiser pour un déroulement sans accroc. Suivez le guide pour transformer ce passage obligé en simple formalité administrative plutôt qu’en épreuve redoutée.

Qui est concerné par un contrôle AVS et à quelle fréquence ?

Tous les employeurs ayant du personnel en Suisse peuvent faire l’objet d’un contrôle AVS. En pratique, la fréquence des contrôles varie en fonction de la taille de l’entreprise et de son historique de conformité. Voici les grandes lignes à connaître :

Petites structures (masse salariale modeste)

En dessous d’environ 150’000.- CHF de masse salariale annuelle, un employeur n’est pas systématiquement contrôlé. À la place, il doit simplement confirmer formellement sur sa déclaration annuelle de salaires que les informations fournies sont exactes. Autrement dit, les très petits employeurs ne subissent un audit qu’exceptionnellement, sauf en cas de soupçon particulier.

Entreprises de taille moyenne

Pour la plupart des employeurs dont la masse salariale se situe entre 150’000.- CHF et quelques millions, le contrôle AVS a généralement lieu tous les 4 à 8 ans, en moyenne. La périodicité exacte dépend d’une stratégie axée sur le risque et le résultat du dernier contrôle. En effet, après chaque audit, la caisse de compensation attribue à l’employeur une note de risque commune à toutes les caisses : plus la note est bonne (peu ou pas de problèmes constatés, excellente gestion), plus le prochain contrôle pourra être éloigné dans le temps. À l’inverse, si des irrégularités ont été relevées ou que l’entreprise présente des facteurs complexes, le contrôle suivant surviendra plus tôt.

Grandes entreprises

Au-delà d’une masse salariale importante (par exemple plus de 5’000’000.- CHF par an), les contrôles sont plus fréquents. En pratique, ces grands employeurs sont contrôlés en principe tous les quatre ans, indépendamment du score de risque obtenu. Le volume élevé de salaires justifie une vigilance accrue de la part des autorités.

En plus de ces cadences régulières, certains événements déclenchent automatiquement un contrôle AVS sans attendre l’échéance normale :

  • La création d’une nouvelle entreprise entraîne un audit dans les quatre ans qui suivent la fondation (parfois plus tôt si la masse salariale dépasse rapidement 150’000.- CHF).
  • Un changement de caisse de compensation AVS (lorsque vous transférez votre affiliation AVS à une autre caisse) provoque également un contrôle dans l’année ou les deux ans qui suivent ce changement. En cas de dissolution de l’entreprise, de dépôt de bilan ou de procédure concordataire, un contrôle immédiat est prévu afin de boucler la situation, sauf si la masse salariale était inférieure à 100’000.- CHF. Autrement dit, si vous fermez votre société ou faites faillite, la caisse vérifiera sans tarder que tout est en ordre pour les cotisations dues.

Bon à savoir : les critères pris en compte pour évaluer le risque et fixer l’intervalle avant le prochain contrôle incluent notamment les résultats du dernier audit, la qualité de la gestion du personnel et de la paie, la ponctualité dans les paiements et communications avec la caisse, ainsi que les spécificités de l’entreprise (présence de travailleurs à l’étranger, taux de rotation élevé, croissance rapide, structure salariale complexe, etc.). En soignant ces aspects, vous réduisez le risque d’erreur et bénéficiez potentiellement de contrôles plus espacés.

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Que vérifie un contrôleur AVS exactement ?

Le contrôle AVS porte sur l’ensemble des éléments liés aux salaires et charges sociales de l’employeur. L’objectif des réviseurs est de s’assurer que tous les revenus soumis à cotisation ont bien été déclarés et cotisés conformément à la loi, et que l’entreprise est en règle sur ses obligations envers les assurances sociales. Concrètement, les contrôleurs examinent trois volets principaux lors de leur visite :

Le programme de salaires et le calcul des cotisations

Le contrôleur vérifie que votre système de payrolling calcule correctement les cotisations AVS/AI/APG/AC et autres charges (allocations familiales, LPP, etc.) pour chaque employé. L’auditeur compare les montants de salaires déclarés aux cotisations versées : en partant des contributions versées, parvient-il à retomber sur le total des salaires que vous avez annoncés à la caisse AVS ? Il sera également attentif à ce que l’entreprise soit affiliée aux assurances obligatoires (accidents LAA, caisse de pension LPP) pour l’ensemble de ses employés, et que les taux corrects sont appliqués.

Les comptes de salaires et la comptabilité financière

Les rémunérations déclarées sont rapprochées de la comptabilité générale de l’entreprise. En d’autres termes, le contrôleur va concilier les montants de masse salariale figurant sur les décomptes AVS avec ceux enregistrés dans vos comptes annuels (grand livre, compte de résultat). Il analysera les éventuels écarts.

La situation des personnes employées et la rémunération globale

Le réviseur passe en revue votre masse salariale dans son ensemble afin de détecter d’éventuelles anomalies quant au statut ou à la rémunération de certaines personnes. Par exemple, si des individus travaillent pour vous en étant prétendument indépendants, il vérifiera qu’ils le sont réellement (sinon, leurs revenus devraient être traités comme salaires soumis à AVS). Il contrôle que les administrateurs de la société ou les cadres dirigeants sont correctement affiliés et cotisent comme il se doit, notamment s’ils résident à l’étranger. Un point d’attention particulier concerne les entrepreneurs eux-mêmes : si vous êtes actionnaire-dirigeant et que vous vous versez une partie de la rémunération sous forme de dividendes, le contrôleur examinera si la part de salaire n’est pas anormalement basse par rapport aux dividendes.

En effet, l’AVS peut requalifier une partie des dividendes excessifs en salaire déterminant et réclamer les cotisations correspondantes si elle estime que vous cherchez à éluder des charges sociales. Enfin, les remboursements de frais et avantages en nature sont scrutés : les indemnités forfaitaires (forfaits téléphoniques, abonnements à un club, voiture de fonction, cadeaux aux employés, etc.) doivent respecter les limites admises, faute de quoi elles pourraient être considérées comme du salaire et soumises à cotisations.

En résumé, rien de ce qui touche à la rémunération de vos collaborateurs ne passe sous le radar. Le but est de détecter les rémunérations non déclarées ou mal déclarées, de corriger les erreurs de calcul ou d’assujettissement, et de vérifier que votre entreprise contribue correctement aux assurances sociales. Ce contrôle est aussi l’occasion de conseiller l’employeur sur les bonnes pratiques à adopter pour l’avenir. N’hésitez donc pas à poser des questions aux réviseurs durant leur visite – ils sont aussi là pour vous informer en cas de doute.

Comment se préparer à un contrôle AVS ?

Un contrôle AVS se prépare un peu comme on prépare une échéance importante, afin d’éviter tout stress de dernière minute. En général, vous recevez une convocation écrite environ 30 jours à l’avance de la part de la caisse de compensation, vous indiquant la période qui sera contrôlée et la date prévue de la visite. Dès réception de cet avis, voici les étapes et conseils pour vous organiser au mieux :

1. Rassemblez tous les documents nécessaires

La convocation précisera souvent une liste de pièces à préparer. Il s’agit principalement de vos documents de comptabilité salariale et de comptabilité générale sur les années concernées. Par exemple, assurez-vous d’avoir sous la main les fiches de paie de chaque employé, les certificats de salaire annuels, les récapitulatifs annuels des salaires (par collaborateur et en total global), la liste du personnel non soumis à l’AVS le cas échéant, ainsi que les comptes annuels complets (grand livre détaillé, bilan et compte de résultat). Préparez également les justificatifs des paiements de cotisations (preuves de versement à la caisse).

La caisse pourra en outre demander des documents relatifs aux assurances connexes, par ex. la dernière facture de primes LPP (2ème pilier) et LAA (assurance accident) pour vérifier votre affiliation. Si vous avez indemnisé des prestataires externes en raison individuelle, dressez la liste de ces sous-traitants indépendants, car les contrôleurs pourraient vouloir confirmer leur statut (ils veillent à ce qu’aucun faux-indépendant ne soit oublié dans les cotisations). Enfin, mettez la main sur votre règlement interne de frais (notes de frais) si vous en avez un, ainsi que sur les contrats de travail importants – ces documents peuvent être demandés en cas de doute.

2. Vérifiez que votre logiciel de paie est à jour

Avant l’audit, contrôlez que votre système de paie fonctionne avec les dernières tables de cotisations et respecte les normes en vigueur. Si vous utilisez un logiciel certifié (p. ex. Swissdec), vérifiez qu’il est bien mis à jour avec les taux de cotisations AVS actuels. En cours d’année, il est recommandé d’appliquer immédiatement tout changement de taux ou de plafond de cotisation. De même, assurez-vous que les éventuelles particularités (allocations familiales cantonales, statuts spéciaux de certains employés) sont correctement paramétrées.

3. Mobilisez votre équipe administrative

Informez les collaborateurs responsables des salaires, des ressources humaines ou de la comptabilité de la date du contrôle à venir. Il peut être utile d’organiser une brève réunion interne pour répartir les tâches de préparation et rappeler le déroulement du contrôle. Assurez-vous que la personne en charge des questions AVS dans votre entreprise (par exemple votre responsable RH ou votre fiduciaire) sera disponible le jour J pour répondre aux questions des réviseurs.

Il est possible de reprogrammer la visite pour de justes motifs (indisponibilité, maladie, etc.), à condition de le solliciter sans tarder – idéalement dans les trois jours suivant la réception de la convocation – et la caisse AVS acceptera généralement un changement de date si la requête est fondée. Notez qu’on peut exceptionnellement demander un deuxième report si nécessaire, mais rarement plus.

4. Libérez du temps et préparez l’accueil des contrôleurs

Le jour du contrôle, prévoyez suffisamment de temps dans votre agenda pour accompagner le réviseur. Préparez un espace de travail calme avec un accès à vos documents (ordinateur avec les fichiers numériques ou classeurs comptables). Montrez-vous disponible et coopératif : plus vous facilitez la tâche des contrôleurs en leur fournissant rapidement ce qu’ils demandent, plus le contrôle sera rapide et se passera sereinement. Rappelez-vous que l’objectif n’est pas de vous piéger, mais de vérifier ensemble que tout est en ordre – votre attitude collaborative contribuera à instaurer un climat de confiance.

En suivant ces étapes, vous aborderez le contrôle AVS de manière proactive plutôt que de le subir. Une bonne préparation réduit significativement le risque de déboucher sur des rectifications coûteuses.

Que se passe-t-il après le contrôle AVS ?

Un contrôle AVS ne s’achève pas à la minute où les réviseurs quittent votre bureau. Voici ce qu’il faut attendre une fois leur examen terminé :

Rapport de contrôle

Après l’audit, la caisse de compensation vous enverra un rapport écrit détaillant les résultats du contrôle. Ce rapport précise si tout est en ordre ou s’il a été constaté des écarts à corriger. S’il n’y a aucun problème relevé, vous pouvez souffler – une attestation de contrôle sans remarque vous sera généralement fournie, et vous continuerez votre gestion comme avant en toute confiance. En revanche, si des erreurs ou oublis ont été mis au jour, le rapport les énumérera et donnera des instructions précises pour y remédier.

Facture ou crédit de cotisations

Le cas échéant, le rapport sera accompagné d’une facture de rattrapage pour les cotisations non payées sur les éléments de salaire oubliés, ou plus rarement d’une note de crédit si vous aviez versé trop de cotisations. Les contrôleurs AVS ont le droit de rectifier les déclarations jusqu’à 5 ans en arrière : cela signifie que si, par exemple, un salaire n’a pas été annoncé il y a quatre ans, la caisse vous réclamera les cotisations correspondantes pour cette année-là. Ces arriérés portent intérêt au taux légal de 5% l’an à compter de l’échéance où ils étaient dus.

Par ailleurs, sachez que l’employeur devra en principe assumer la totalité des cotisations sur les montants non déclarés, soit la part employeur et la part employé. En effet, la loi le considère comme débiteur des cotisations – il lui est généralement difficile de retenir rétroactivement la part salariale sur le salaire de l’employé après coup. Autrement dit, tout salaire “oublié” coûte doublement à l’entreprise lors du rattrapage. Cela souligne l’importance de bien tout déclarer dès le départ !

Droit d’opposition et suivi

Si vous contestez les conclusions du rapport (par exemple le calcul d’un rattrapage), vous avez la possibilité de faire opposition par écrit dans les 30 jours en exposant vos motifs. Il est conseillé de le faire uniquement si vous avez des éléments solides à faire valoir, car sans preuve contraire la décision de la caisse fait foi.

En l’absence d’opposition dans le délai imparti, les corrections et éventuelles factures deviennent définitives et dues. Par la suite, assurez-vous de mettre en œuvre les recommandations des réviseurs dans le délai imparti (souvent ils demandent que les corrections soient effectuées sous 60 jours). La caisse peut proposer un plan d’action ou des conseils pour vous aider à rectifier les points relevés. Il est dans votre intérêt de suivre ces directives afin d’être en conformité avant le prochain contrôle.

Conséquences en cas d’irrégularités graves

Dans la plupart des cas, un contrôle AVS aboutit simplement à un ajustement de cotisations et à des conseils. Cependant, si des manquements sérieux sont constatés (par ex. travail au noir, défaut de collaboration de votre part, falsification de documents), la caisse de compensation peut prendre des mesures supplémentaires. Des frais administratifs supplémentaires peuvent vous être facturés en cas de comportement récalcitrant (refus de remettre des documents, absence non excusée lors du contrôle, etc.) ou de récidive de problèmes non corrigés. En outre, des sanctions légales plus lourdes (amendes, poursuites pénales) peuvent s’appliquer en cas de fraude avérée ou d’infractions graves à la loi AVS. Heureusement, ces situations demeurent exceptionnelles et peuvent aisément être évitées en collaborant de bonne foi avec les autorités de contrôle.

En fin de compte, si vous avez tenu une comptabilité salariale rigoureuse et respecté vos obligations, le contrôle AVS se conclura positivement, renforçant votre crédibilité en tant qu’employeur sérieux. S’il révèle des lacunes, considérez que mieux vaut les corriger tard que jamais : c’est l’opportunité de remettre votre entreprise en conformité et d’éviter des problèmes futurs.

En conclusion : un impératif légal qui peut aussi être une opportunité

Bien préparé, le contrôle AVS devient une simple étape de routine plutôt qu’un risque majeur. En gardant vos salaires, vos cotisations et vos documents toujours à jour, vous transformez cette obligation en levier de crédibilité : vous montrez votre sérieux auprès des employés, des partenaires et des autorités.

Anticiper les exigences, coopérer avec les réviseurs et corriger rapidement les écarts vous évitera des rattrapages coûteux et vous permettra de concentrer votre énergie sur le développement de votre entreprise. Un contrôle réussi aujourd’hui, c’est surtout la garantie de travailler sereinement demain.

FAQ – Contrôle AVS pour les entrepreneurs

Quelle est la fréquence d’un contrôle AVS en Suisse et quels employeurs sont concernés ?

Tous les employeurs peuvent être contrôlés : les petites structures (< 150’000.- CHF de masse salariale) ne sont auditées qu’exceptionnellement, les entreprises moyennes sont révisées environ tous les 4 à 8 ans, tandis que les grandes sociétés (> 5’000’000.- CHF) le sont en principe tous les 4 ans. Une création d’entreprise, un changement de caisse ou une dissolution déclenchent aussi un contrôle anticipé.

Que vérifient les réviseurs pendant un contrôle AVS ?

Ils examinent trois volets : la justesse des calculs de cotisations dans votre logiciel de paie, la concordance entre la masse salariale déclarée et la comptabilité, et le statut/rémunération de chaque personne (dirigeants, indépendants, remboursements de frais, dividendes éventuels).

Comment bien se préparer à un contrôle AVS ?

Rassemblez fiches et certificats de salaire, pièces comptables et preuves de paiement, assurez-vous que votre logiciel de paie est à jour, briefez l’équipe RH/finance et réservez du temps le jour J pour répondre rapidement aux questions du réviseur.

Le contrôle AVS est-il payant pour l’employeur ?

Le contrôle lui-même est financé par les frais de gestion déjà prélevés sur vos cotisations. Des coûts supplémentaires ne surviennent qu’en cas de refus de collaboration, de tenue de comptes défaillante ou de récidive d’erreurs non corrigées.

Que se passe-t-il après le contrôle AVS et peut-on contester le rapport ?

Vous recevez un rapport détaillant les écarts éventuels ; s’il y a des montants à régulariser, la caisse facture les cotisations manquantes, intérêts inclus. Vous disposez de 30 jours pour déposer une opposition écrite si vous contestez les conclusions.

Romain Prieur

Romain est le fondateur de la Fiduciaire Karpeo à Genève. Il est expert-comptable diplômé et participe activement à la formation des futurs experts-comptables via sont rôle de chargé de cours auprès de EXPERTsuisse. Romain est également le co-fondateur de la plateforme entreprendre.ch qui permet la création d'entreprises en Suisse.