Swiss GAAP RPC : l’autre référentiel comptable suisse

En Suisse, on pense souvent à la comptabilité basée sur le Code des obligations (CO) – le minimum légal – ou aux normes internationales IFRS pour les grandes entreprises. Pourtant, il existe un autre référentiel comptable, moins connu mais taillé pour les besoins locaux : Swiss GAAP FER (pour Fondation pour les recommandations relatives à la présentation des comptes, aussi appelées Swiss GAAP RPC en français).

Dans cet article Romain, expert-comptable et fondateur de la fiduciaire Karpeo, vous fait découvrir ce que sont les Swiss GAAP RPC, dans quels cas l’utiliser, tout en le comparant aux normes IFRS et à la comptabilité selon le CO.

Objectif : vous permettre de comprendre si ce référentiel peut apporter à votre entreprise transparence et simplicité, sans le jargon inutile.

Swiss gaap rpc l’autre référentiel comptable suisse

Que sont que les Swiss GAAP RPC / FER ?

Les Swiss GAAP FER / RPC sont un ensemble de normes comptables suisses visant à fournir une image fidèle de la situation financière et des résultats d’une entreprise.

Autrement dit, tout comme les normes internationales, Swiss GAAP FER applique le principe du “True and Fair View” (image fidèle) dans la présentation des comptes.

Ces recommandations sont élaborées par une fondation suisse indépendante (Fondation RPC) depuis les années 1980, afin d’offrir aux entreprises locales un cadre adapté à leurs besoins nationaux.

Concrètement, Swiss GAAP FER constitue une alternative locale aux référentiels internationaux. Il est reconnu par la loi suisse (art. 962 CO) comme un standard officiel pour l’établissement des comptes.

Son champ d’application se concentre sur les petites et moyennes entités ainsi que les groupes d’entreprises à rayonnement essentiellement national. Des normes spécifiques existent également au sein de Swiss GAAP FER pour traiter les particularités de certains secteurs suisses, par exemple les organisations à but non lucratif, les caisses de pension ou les assurances, afin que leurs comptes reflètent au mieux la réalité économique locale.

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Quand utilise-t-on les Swiss GAAP RPC ?

Pour la plupart des PME suisses, l’application du référentiel Swiss GAAP FER est volontaire – il n’y a pas d’obligation légale de l’adopter tant qu’on satisfait aux exigences minimales du Code des obligations. Néanmoins, de nombreuses entreprises choisissent de l’utiliser dans certaines situations.

Par exemple, dès qu’une société dépasse une certaine taille ou complexité, elle peut trouver utile d’établir ses comptes selon les Swiss GAAP pour améliorer leur qualité et leur crédibilité. C’est souvent le cas lorsqu’une PME devient une “grande entreprise” au sens du CO ou doit établir des comptes consolidés (regroupant plusieurs entités) : même si le droit comptable suisse ne force pas à utiliser IFRS ou Swiss GAAP, beaucoup optent pour Swiss GAAP comme référentiel de consolidation plus structuré que le CO.

En pratique, 77% des sociétés suisses tenues d’établir des comptes consolidés utilisent les Swiss GAAP plutôt qu’un autre standard, preuve de son ample adoption au niveau national. Par ailleurs, les entreprises suisses cotées en bourse sur un segment domestique recourent fréquemment à Swiss GAAP pour leur information financière au public.

Swiss GAAP RPC ou IFRS : quelles différences ?

Face aux Swiss GAAP, le référentiel IFRS (International Financial Reporting Standards) représente la norme internationale par excellence. Les IFRS sont utilisées par les grandes entreprises multinationales et requises sur de nombreuses places boursières internationales.

La question se pose donc : quelle norme choisir entre IFRS et Swiss GAAP FER ? La réponse dépend avant tout de la taille de l’entreprise, de son public cible d’investisseurs et de ses besoins en comparabilité internationale.

Portée internationale vs nationale

Les normes IFRS offrent une comparabilité globale, ce qui est indispensable pour une entreprise cotée sur une grande bourse internationale ou cherchant des investisseurs partout dans le monde. En revanche, pour une entreprise axée principalement sur le marché suisse ou sur des investisseurs locaux, Swiss GAAP FER offre une comparabilité suffisante à l’échelle nationale, tout en étant beaucoup moins lourde à mettre en œuvre.

D’ailleurs, la plupart des entreprises suisses qui cherchent du capital uniquement auprès d’investisseurs suisses privilégient les Swiss GAAP. On constate ainsi qu’une majorité des sociétés suisses de moyenne capitalisation cotées sur le marché domestique présentent leurs comptes en Swiss GAAP, les IFRS étant plutôt l’apanage de quelques grandes multinationales.

Complexité et volume des règles

Un des contrastes majeurs réside dans la complexité des IFRS par rapport aux Swiss GAAP. Les IFRS forment un ensemble de normes très détaillées (plusieurs milliers de pages couvrant tous les cas imaginables). À l’opposé, les RPC comme on les appelle communément vise la simplicité et la concision : le corpus de normes est plus réduit et se concentre sur l’essentiel.

Cette différence de philosophie a un impact concret sur le travail comptable. EXPERTsuisse, l’association des experts-comptables suisses, souligne régulièrement que la complexité élevée des IFRS, notamment en matière de notes et d’informations à divulguer, les rend peu proportionnées aux besoins des PME.

En comparaison, les Swiss GAAP sont perçues comme beaucoup plus accessibles – une norme “conviviale” et compréhensible, selon les termes de nombreux utilisateurs.

Coûts de mise en œuvre

Qui dit complexité accrue dit aussi coûts plus élevés. Adopter les IFRS implique généralement de mobiliser des ressources importantes : personnel formé spécifiquement, éventuels consultants externes, systèmes comptables adaptés. Pour une PME, ces coûts peuvent être difficiles à justifier.

À l’inverse, le rapport coût/bénéfice des Swiss GAAP est souvent jugé très favorable. Une étude suisse a révélé que 67% des entreprises interrogées estiment que les avantages de Swiss GAAP FER l’emportent sur ses coûts. De plus, près de 69% d’entre elles déclarent pouvoir appliquer Swiss GAAP FER sans recourir à une expertise externe – signe que les compétences nécessaires restent à portée de la plupart des équipes comptables internes, ce qui est rarement le cas avec IFRS.

Ce côté pragmatique de Swiss GAAP FER séduit d’ailleurs de nombreuses sociétés qui avaient initialement adopté IFRS : au fil du temps, plusieurs entreprises suisses cotées ont choisi d’abandonner les IFRS pour revenir à Swiss GAAP FER, dans le but de simplifier leur reporting financier tout en conservant une information de qualité.

Entre 2005 et 2015, la proportion d’entreprises cotées suisses publiant en IFRS est ainsi passée de 70% à 50%, reflétant ce mouvement vers plus de simplicité et d’efficacité.

Reconnaissance et exigences réglementaires

Il faut noter qu’une entreprise soumise à des exigences internationales (par exemple une filiale de groupe étranger, ou une société cherchant à lever des fonds à l’étranger) n’aura souvent pas d’autre choix que de produire des comptes IFRS ou US GAAP. En revanche, sur le plan purement suisse, Swiss GAAP FER est reconnu comme équivalent pour la qualité de l’information financière.

La SIX Swiss Exchange accepte par exemple les comptes établis selon Swiss GAAP FER pour les sociétés du Swiss Reporting Standard. Les banques et investisseurs suisses connaissent bien ce référentiel et lui font confiance. Pour une PME suisse tournée vers le marché local, présenter ses comptes en Swiss GAAP FER au lieu des seuls comptes CO peut donc apporter un supplément de crédibilité sans qu’il soit nécessaire d’aller jusqu’aux normes IFRS internationales.

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Swiss GAAP RPC vs. Code des obligations (CO) : quelles différences ?

En Suisse, toutes les entreprises doivent au minimum tenir leur comptabilité selon les prescriptions du Code des obligations (CO). Ce cadre légal définit les principes de base (inscription fidèle des écritures, prudence, permanence des méthodes, etc.) et dicte la présentation minimale des comptes annuels (bilan, compte de résultats, annexe, et pour les “grandes entreprises”, tableau de flux de trésorerie et rapport de gestion).

La comptabilité selon le CO est donc la référence par défaut, en particulier pour les petites entreprises. Toutefois, le CO n’a pas pour premier objectif de donner une image économique exhaustive, mais plutôt de respecter des principes de prudence et de protection des créanciers.

Ainsi, le CO permet certaines pratiques comptables qui, si elles sont légales et usuelles, réduisent la transparence des comptes vis-à-vis de l’extérieur – en particulier le mécanisme des réserves latentes.

Le poids des réserves latentes en compta CO

Les réserves latentes sont des bénéfices cachés résultant d’une évaluation volontairement conservatrice des actifs et passifs.

Autrement dit, une entreprise peut sous-évaluer certains actifs (p. ex. en passant des amortissements très élevés ou en dépréciant fortement des stocks) ou sur-évaluer certains passifs (p. ex. en constituant des provisions généreuses) afin de se ménager une marge de sécurité. Ces ajustements créent des réserves invisibles dans le bilan – d’où le terme latent.

Fiscalement et stratégiquement, c’est utile : on pratique une gestion prudente, on lisse les fluctuations de résultats d’une année sur l’autre, et on peut dégager ultérieurement du bénéfice en réduisant ces réserves si besoin. La constitution de réserves latentes est tout à fait autorisée par le CO et très répandue dans la pratique des PME suisses.

Cependant, le revers de la médaille est la perte de transparence. Des comptes établis strictement selon le CO, avec des réserves latentes importantes, ne reflètent pas toujours la réalité économique immédiate de l’entreprise. Par exemple, une entreprise peut afficher un bénéfice net très modeste alors qu’en réalité elle a dégagé une marge confortable, la différence étant partie en réserves cachées.

Comme le souligne un article d’Entreprendre.ch, un usage excessif des réserves latentes risque de brouiller la lecture des comptes, rendant difficile l’évaluation réelle de la performance. Bien gérées, ces réserves doivent rester un outil de prudence et non de dissimulation : “L’entrepreneur suisse, soucieux de transparence, les utilisera pour se prémunir contre les aléas, plutôt que pour tromper les partenaires ou gérer opportunément les résultats”. Il n’en demeure pas moins que, du point de vue d’un investisseur ou d’un partenaire externe, des comptes CO classiques peuvent manquer de lisibilité.

L’approche “image fidèle” de Swiss GAAP FER

C’est précisément sur ce point que Swiss GAAP FER se distingue fondamentalement du CO. En choisissant de présenter ses comptes selon Swiss GAAP FER, une entreprise s’engage à renoncer aux ressources du camouflage pour privilégier une image claire et fidèle.

Les normes Swiss GAAP FER interdisent la constitution de réserves latentes cachées significatives : les actifs doivent être évalués de manière économique et les passifs refléter les engagements réels, sans surprovisionnement excessif. L’objectif premier est d’accroître la transparence financière. En suivant Swiss GAAP FER, le bilan et le compte de résultat donnent donc une vision plus réaliste de la santé de l’entreprise, sans “coffre-fort secret” où mettre des bénéfices de côté.

Par ailleurs, Swiss GAAP FER exige une présentation plus détaillée et normalisée des états financiers que le CO (pour les entités qui l’appliquent). Par exemple, toute entreprise qui adopte Swiss GAAP FER doit établir un tableau des flux de trésorerie selon la recommandation FER 4, même si le CO ne l’exigerait pas pour elle. Ce tableau de trésorerie, ainsi que des annexes plus fournies, contribuent à donner aux lecteurs des comptes (investisseurs, banques) une compréhension approfondie de la situation financière – notamment sur la liquidité, un aspect crucial parfois peu visible dans les comptes CO de petites sociétés.

En conclusion

Les Swiss GAAP RPC s’imposent de plus en plus comme une alternative de choix pour les entrepreneurs suisses qui souhaitent des comptes à la fois fiables, lisibles et proportionnés à leur organisation. Entre le cadre minimal du Code des obligations – parfois trop sommaire – et les normes IFRS internationales – souvent trop complexes – les RPC jouent le rôle du juste milieu pragmatique.

En adoptant ce référentiel, une PME peut afficher une image fidèle de sa performance, gagner en crédibilité auprès de ses partenaires financiers et se comparer plus aisément à ses pairs, le tout sans se noyer dans des exigences disproportionnées. Si vous envisagez cette transition, n’hésitez pas à vous entourer de conseils des fiduciaires comme Karpeo, ou d’experts-comptables pour mettre en place le référentiel efficacement.

FAQ : Swiss GAAP FER pour les entrepreneurs

Qu’est-ce que la norme Swiss GAAP FER et à qui s’adresse-t-elle ?

Swiss GAAP FER (Swiss GAAP RPC) est un référentiel « true & fair view » suisse conçu pour les petites et moyennes entités ainsi que pour les groupes actifs surtout en Suisse ; la loi (art. 962 CO) la reconnaît comme norme comptable officielle.

Swiss GAAP FER est-elle obligatoire pour ma PME ?

Non. L’obligation ne vise que les sociétés cotées, certaines grandes coopératives ou fondations ; environ 64 % des entreprises qui l’emploient le font volontairement pour améliorer la crédibilité de leurs comptes.

Quels avantages Swiss GAAP FER offre-t-elle par rapport aux IFRS pour les PME ?

Elle propose des règles plus courtes, faciles à appliquer et nettement moins coûteuses ; de nombreuses sociétés ont abandonné les IFRS pour Swiss GAAP FER en raison de ce rapport coût/bénéfice favorable et de sa forte reconnaissance nationale.

En quoi Swiss GAAP FER est-elle plus transparente que la comptabilité du Code des obligations ?

La norme bannit les réserves latentes cachées et impose des états (tableau de flux de trésorerie, annexe détaillée) qui offrent une image économique fidèle, alors que le CO autorise des évaluations très prudentes pouvant masquer la performance réelle.

Quel budget prévoir pour passer à Swiss GAAP FER ?

Une enquête 2023 indique qu’une PME compte généralement six mois de projet et jusqu’à 50’000.- CHF, principalement pour la formation et l’adaptation des modèles de reporting ; pour une société cotée, la fourchette est de 20’000 – 100’000.- CHF.

Romain Prieur

Romain est le fondateur de la Fiduciaire Karpeo à Genève. Il est expert-comptable diplômé et participe activement à la formation des futurs experts-comptables via sont rôle de chargé de cours auprès de EXPERTsuisse. Romain est également le co-fondateur de la plateforme entreprendre.ch qui permet la création d'entreprises en Suisse.