Perte de capital et surendettement (article 725 CO)

Lorsque la situation financière d’une entreprise se détériore, elle peut être face à une situation de perte de capital ou de surendettement selon l’article 725 du Code des Obligations suisse.

Ces 2 situations nécessitent des prises de décisions rapides de la part des organes de la société. Nous expliquons dans cet article ce que sont une perte de capital et une situation de surendettement pour une société. Nous verrons aussi les devoir du conseil d’administration et de l’assemblée des actionnaires.

Perte de capital pour une entreprise en Suisse (article 725 alinea 1)

Définition de la perte de capital

Une entreprise est en situation de «perte de capital» selon l’article 725 al. 1 du CO lorsque la perte cumulée au bilan (art. 959a, al. 2, ch. 3, let. d, CO) est supérieure à la moitié au moins de la somme du capital-actions nominal, du capital-participations nominal et des réserves légales. Cette situation est souvent qualifiée dans la pratique de «perte de la moitié du capital».

La perte de capital est une étape critique pour une entreprise en Suisse. Elle nécessite une information immédiate aux actionnaires sur la situation financière problématique de l’entreprise. L’Assemblée générale doit prendre des mesures d’assainissements pour améliorer la situation et éviter une faillite.

Calcul de la perte de capital

Le calcul de la perte de capital n’est pas toujours aisé. Pourtant, il est nécessaire de le comprendre afin de pouvoir avertir l’Assemblée Générale en temps voulus

Comment calculer une perte de capital ?

  1. Il faut d’abord calculer le paramètre de la moitié du capital-actions et de la moitié des réserves légales. Cette somme sera ensuite divisée en deux. Appelons ce paramètre le « paramètre Y ».
  2. Y est ensuite comparé avec le total des capitaux propres. Il s’agit de la différence au bilan comptable entre les actifs et les capitaux étranger de l’entreprise. Appelons le montant total des capitaux propre « paramètre X ».
  3. Si X est supérieur ou égal à zéro mais inférieur à Y alors il existe alors une perte de capital au sens de l’art. 725 al. 1 du Code des Obligations.

Les mesures d’assainissement

En cas de perte de capital la loi prévoit que le conseil d’administration demande «immédiatement » à l’Assemblée générale des mesures d’assainissement (art. 725, al. 1 du CO).

Le législateur est resté très vague sur le terme de mesure d’assainissement. Par expérience, ces mesures regroupent à la fois des mesures organisationnelles (fermetures d’usines, remplacement d’une partie de l’équipe dirigeante par exemple) et des mesures financières (abandons de créance, apport de capitaux).

D’un point de vue comptable seulement les mesures financières peuvent avoir un impact sur la situation de perte de capital. On pense notamment aux mesures suivantes (liste non exhaustive) :

  • Obtention d’abandons de créances ou de versements à fonds perdus ;
  • Dissolution de réserves latentes ;
  • Réévaluation d’immeubles et de participations conformément à l’art. 670, CO ;
  • Elimination d’une perte cumulée par dissolution de réserves apparentes ;
  • Augmentation du capital action en espèces.

Surendettement pour une société en Suisse (article 725 alinea 3)

Définition du surendettement

Une entreprise est en situation de surendettement lorsque dans le bilan comptable les actifs sont inférieurs aux capitaux étrangers. Les capitaux étrangers se composent des dettes, des provisions et des passifs de régularisation. La situation de surendettement doit être évaluée aux valeurs d’exploitation ainsi qu’aux valeurs de liquidation à partir de bilans intermédiaires audités.

Il y a «surendettement manifeste» (art. 728c al. 3 et 729c du Code des Obligations) lorsque le surendettement est «indéniable en dépit d’une appréciation optimiste de la situation». En résumé, on peut voir clairement que les actifs ne couvrent plus les capitaux étrangers et qu’il n’y a pas de postposition possible (voir ci-dessous).

Il est du devoir du conseil d’administration d’aviser le juge en cas de surendettement. Le but de l’avis au juge est de permettre un accompagnement de l’entreprise dans cette situation délicate, notamment en cas de mise en faillite

Bilan provisoire et continuité d’exploitation

En cas de surendettement, l’entreprise doit établir un bilan intermédiaire. Il est important de savoir si l’entreprise à les capacités de continuer son activité. On parle de l’hypothèse de continuité d’exploitation. Si la poursuite de l’activité de la société n’est pas possible, les seules valeurs à prendre en considération pour le bilan intermédiaire sont les valeurs de liquidation.

Le bilan intermédiaire utilisé pour calculer le surendettement doit être audité par un auditeur suisse. Les tribunaux exigent également que l’ouverture ou l’ajournement d’une faillite soient effectuée sur des états financiers audités.

Postposition

Le conseil d’administration la possibilité de renoncer à l’avis au juge malgré un surendettement dans la mesure où des créanciers de la société acceptent de postposer leur créance. Ils acceptent alors que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société. La postposition permet ainsi à la société surendettée de poursuivre son activité dans l’optique d’un assainissement et d’un redressement futur.

L’article 725 al. 2 du Code des Obligations stipule que la postposition doit couvrir au moins l’insuffisance d’actifs. Si des pertes supplémentaires sont prévisibles sur la base du business plan de l’entreprise, une position à concurrence du découvert ne suffira pas. Il faudra alors inclure dans le calcul une marge de sécurité qui permettra de couvrir les pertes à attendre jusqu’au redressement financier de l’entreprise. Dans la pratique, le montant de la postposition doit couvrir la perte des 12 suivant la signature de la convention de postposition.

La postposition est conclue pour une durée indéterminée. Elle ne peut être levée que s’il résulte d’un bilan audité au sens des Normes d’audit suisses que tous les engagements de la société sont couverts par des actifs.

Romain Prieur

Romain est le fondateur de la Fiduciaire Karpeo à Genève. Il est expert-comptable diplômé et participe activement à la formation des futurs experts-comptables via sont rôle de chargé de cours auprès de EXPERTsuisse. Romain est également le co-fondateur de la plateforme entreprendre.ch qui permet la création d'entreprises en Suisse.